Si la pertinence et l’opportunité des initiatives du gouvernement ne sont presque jamais remises en cause, il est souvent entretenu un certain flou autour des dépenses y afférentes. Certes, les budgets sont révélés dans certains cas mais il se fait que les autorités béninoises entretiennent un mystère autour de certains budgets. Toute chose qui laisse les béninois, de plus en plus, dubitatifs à plusieurs égards…
Pourquoi entretient-on le mystère autour de certains budgets ? Le contribuable béninois a-t-il vraiment le droit d’être informé sur les dépenses publiques engagées dans le cadre de telle ou telle initiative ? En effet, de la gestion de la pandémie du Covid-19 à la construction des monuments dont la Statue de l’Amazone sans oublier l’organisation de la première édition des Vodun days, les budgets ne sont en général pas systématiquement rendus publiques.
Alors que l’opinion continue d’applaudir une organisation réussie de la première édition des vodun days au Bénin, un évènement historique marqué par la présence de plusieurs délégations étrangères et une forte mobilisation des populations locales, le budget de l’organisation n’est toujours pas connu du public. Combien ont coûté les vodun days au contribuable béninois ? Bien malin qui pourra répondre à cette préoccupation tant le mystère continue d’être entretenu autour du coût de l’organisation. Et pourtant l’initiative dont le but, selon le Président de la République, Patrice Talon, est “de faire en sorte que le Vodun, ou ce que véhicule le Vodun comme art, comme mode de vie, comme culture, intéresse de plus en plus le monde entier“, reste salutaire.
Face à des journalistes, le Chef de l’Etat s’est abstenu de révéler le budget de l’organisation. “… le budget, je ne saurais vous en parler. En chiffres, ce n’était pas énorme. Tout est question de ventilation (budgétaire ; ndlr), ce n’était pas énorme du tout. Mais autant le Bénin consacre des ressources à développer le secteur agricole, à développer le secteur industriel… nous avons dit que le Vodun a pour nous un intérêt aussi économique, puisque le tourisme est un secteur d’activité important. Aujourd’hui, le monde va davantage vers tout ce qui est consommation de tourisme. Et c’est un pan à saisir. C’est d’intérêt majeur pour nous. Donc, si nous investissons dans le Vodun, ce n’est pas simplement parce qu’on veut révéler notre identité à nous-mêmes et aux autres, mais surtout aussi parce que nous voulons en faire un secteur de développement économique. Et alors là, tous les investissements les plus rationnels et rentables peuvent être effectués dès lors que nous faisons la projection de ce que cela peut créer en termes d’emploi, en termes de richesse, en termes de visite du Bénin, en termes de collecte d’impôts, de ressources pour l’État’’ a répondu le Chef de l’Etat à la question de savoir le budget mis en place dans le cadre des vodun days.
Des budgets des monuments à celui de la gestion de la pandémie de la Covid-19…
Cependant, ce n’est pas la première fois que le flou est entretenu autour du budget alloué par le gouvernement pour l’organisation d’un évènement ou la réalisation d’une initiative. Déjà en 2022, la même préoccupation a été soulevée concernant le coût de l’érection des statues de l’Amazone, de Bio Guéra et du monument aux dévoués. A ce moment, le porte-parole du gouvernement avait laissé entendre que le plus important était plutôt la présence de ces monuments. « Si je vous dis qu’ils ont coûté à eux trois 500 millions de francs CFA, certains diraient : ils ont peut-être fait des pacotilles. Si je dis qu’ils ont coûté 10 milliards francs CFA, d’autres diraient : ils y ont mis toute une fortune…Ce qui compte, c’est la présence de ces monuments. C’est ce qu’ils apportent désormais au pays…Quel que soit le coût de ces monuments, vous pouvez prendre le pari, à un moment ou à l’autre, le flux de touristes qui viendraient ici ferait qu’on amortirait ce coût là », avait laissé entendre Wilfried Léandre Houngbédji.
De même, après avoir fait face à des critiques quant au silence autour du budget de gestion de la pandémie de la Covid-19, le gouvernement a finalement rendu public notamment sur les plateformes numériques du ministère de l’économie et des finances, le rapport d’audit de la Cour suprême sur la gestion des dépenses effectuées dans le cadre de la Covid-19. Un rapport qui a suscité une vive polémique au sein de l’opinion publique. Alors que des centaines de milliards de Fcfa de dépenses non justifiées transparaissent dans le rapport, un autre rapport sera rendu public plus tard. Et pour le porte-parole du gouvernement, Wilfried Houngbédji, il s’agissait d’un “rapport intermédiaire avec des données à actualiser“. « La Cour des comptes a fait un premier rapport qui a fait l’objet d’observation…Et donc si ce que vous redoutez advenait, vous savez également que conformément à la pratique en cours dans notre pays, les décisions qui doivent être prises ne manqueront pas de l’être“ avait-il justifié. Et selon les informations de beninwebtv, il y aurait eu finalement trois rapports pour le même audit. D’un rapport de 97 pages mentionnant plus de 380 milliards de dépenses non justifiées, la Cour a, selon le média, rendu public un nouveau rapport de 57 pages qui atteste qu’il n’y a eu aucune irrégularité significative avant de finalement rendre public, un document dit définitif.
L’évidence est que l’opinion publique s’interroge de plus en plus sur les mobiles d’une telle option du gouvernement quant à la divulgation des budgets. Le devoir de transparence devra toutefois amener le gouvernement à revoir cette manière de faire.
A.B