Il n’y a plus l’ombre d’aucun doute. On ne peut aller aux élections générales de 2026 sans toucher, une fois de plus, la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral. C’est ce qui ressort de la décision Dcc 20-001 du 04 janvier 2024.
En effet, un citoyen, Codjo G. Gbeho, trouve qu’en l’état actuel des choses, les députés et les maires actuels et ceux qui seront élus en 2026 ne pourront pas, dans certains cas, parrainer les candidats à la présidentielle de 2026, puisque certains ne seraient pas réélus et d’autres, quand bien même réélus, ne seraient pas officiellement entrés en fonction avant la clôture des dépôts de candidature pour la présidentielle de 2026, fixée au 05 février 2026. La pertinence de son observation a été reconnue aussi bien par le président de l’Assemblée nationale, le président de la République que par le président de la Céna qui lui ont suggéré de saisir le juge constitutionnel afin qu’une solution adéquate soit trouvée.
Chose que la Cour constitutionnelle a faite par la décision Dcc 20-001 du 04 janvier 2024. Laquelle invite l’Assemblée nationale à modifier le Code électoral pour, d’une part, rétablir l’égalité du pouvoir de parrainer à l’égard de tous les maires et, d’autre part, rendre conformes à l’article 49 de la Constitution, les dispositions de l’article 142, alinéa 6 de la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral.
Et de deux !
Déjà en juin 2020, en plein processus d’installation des maires, les députés de la 8e législature avaient adopté, en procédure d’urgence, la proposition de loi n° 2020-13 portant interprétation et complétant la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral. Ils étaient alors confrontés à un blocage, les élus communaux refusaient, par endroits, d’élire les maires à eux imposés par les responsables des partis. La loi a été donc revue de façon précipitée. On a changé les règles du jeu au cours du jeu, afin de donner pouvoir aux partis de désigner directement les maires et adjoints aux maires dans les communes où les partis politiques ont la majorité. Déjà à ce stade, il était apparu au grand jour le caractère crisogène des lois de la réforme du système partisan, votées en novembre 2019, par un Parlement « monocolore ». Partis politiques de l’opposition, société civile avaient tiré la sonnette d’alarme en son temps mais le pouvoir de la Rupture et les députés de la 8e législature, tous acquis à sa cause, ont foncé.
Après la loi interprétative votée en urgence en juin 2020 pour régler une situation, la Plateforme électorale des organisations de la société civile du Bénin avait trouvé que la démarche des députés “viole tous les principes et normes en matière électorale et démocratique”. Dans un communiqué, elle insiste que “la loi est de portée générale et ne saurait être modifiée au gré des calculs et humeurs des politiciens”. La plateforme conclut que c’est “l’instrumentalisation du parlement et de la fonction législative qui installe au Bénin une insécurité législative, institutionnelle et sociale”. Et c’est cette insécurité institutionnelle qu’a soulevé le sieur Codjo G. Gbeho dans sa requête devant la Cour. Mais bon nombre d’autres dispositions sont à revoir dans ce Code électoral. Dans la décision rendue par la Cour constitutionnelle, on lit que le président de la Céna soutient qu’une revue de plusieurs autres dispositions du Code électoral est nécessaire en vue d’une meilleure organisation des prochaines élections. Ce n’est donc pas que le côté parrainage qui cloche.
Lors des Législatives de 2023, la Céna a certainement été confrontée à une difficulté en matière d’interprétation de certaines dispositions du même Code électoral. C’est donc plusieurs dispositions qui risquent d’être revues avant les élections de 2026. Ne pouvait-on pas écouter les voix discordantes qui avaient très tôt souligné combien ces lois « taillées sur mesure» pouvaient être un handicap au fonctionnement normal des institutions ? Qu’avait-on à perdre?
Attention ! la décision de la Cour n’ouvre pas la voie à la révision de la Constitution
La décision Dcc-001 du 04 janvier 2024, intervient à un moment où le projet d’une nouvelle révision de la Constitution agite l’opinion publique, projet porté en personne par le président de l’Assemblée nationale. Du coup, en demandant au Parlement de revoir certaines dispositions du Code électoral, des citoyens se demandent si la Cour, sans le dire, invite à une révision de la Constitution ? Ce n’est pas la même chose. Une révision du Code électoral n’implique pas forcément une révision de la Constitution. D’ailleurs dans sa décision, la Cour constitutionnelle a bien précisé qu’il s’agit de rendre conformes à l’article 49 de la Constitution, les dispositions de l’article 142, alinéa 6 de la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral. Ce sont donc des dispositions du Code électoral qui doivent être rendues conformes à un article de la Constitution et non l’inverse. Il n’est donc pas question que des esprits malins prennent cette décision de la Cour pour justifier leur volonté de toucher encore une fois à la Loi fondamentale, à deux ans de la fin du mandat du chef de l’Etat, Patrice Talon.
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M.M