Après la révision constitutionnelle de 2019, l’idée d’une seconde révision revient avec insistance ces derniers jours. Le sujet aurait été débattu, vendredi 22 décembre 2023, lors d’une réunion entre le ministre de la justice et des présidents d’institutions. A l’occasion, selon le média en ligne LibreExpress, le président de l’Assemblée nationale aurait déclaré qu’une révision de la Constitution permettrait de réformer profondément le système de fonctionnement du Bénin.
Déjà, lors de son discours d’investiture, pour son deuxième mandat, Louis Vlavonou avait dit la même chose. Quand on analyse, on a l’impression c’est à lui qu’il a été confié le projet d’une seconde révision de la Loi fondamentale du Bénin, après celle opérée en 2019 par un Parlement « monocolore », composé de députés issus des deux partis siamois se réclamant de Patrice Talon.
De tout temps, à chaque fin de mandat, l’idée d’une révision de la Constitution est agitée. Cela a été le cas sous Kérékou et sous Boni Yayi. De la brouille, intervenue en 2012, entre Boni Yayi et Patrice Talon, celui-ci avait déclaré que c’est parce qu’il avait refusé de soutenir un projet de révision pour un 3e mandat de Yayi qu’il est devenu l’homme à abattre. Même si beaucoup de Béninois ont trouvé cette justification trop tirée par les cheveux, cela montre combien le sujet d’une révision constitutionnelle en fin de mandat crée beaucoup de suspicions.
D’ailleurs, pour justifier sa réforme constitutionnelle en 2016, Patrice Talon avait dit, lors de la campagne pour la présidentielle, que c’est en début de mandat qu’il faut réviser la Constitution afin de lever toutes les suspicions qui entourent un projet de révision en fin de mandat. Par trois fois il a essayé, par trois fois le Parlement d’alors a rejeté le projet. Ce n’est qu’en 2019, à la suite des élections législatives, où tous les partis de l’opposition ont été exclus, que le projet a prospéré. Le Parlement était alors constitué que des députés acquis à la cause du pouvoir.
Il leur était alors loisible de faire une révision en profondeur, de mettre dans la Loi fondamentale tout ce qui, selon eux, allait permettre de réformer profondément le système de fonctionnement du Bénin. Mais à la surprise générale, même les réformes principales concernant la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac), le Conseil économique et social (Ces), le mandat unique…, réformes autour desquelles le candidat Patrice Talon a fait campagne en 2016, ne figuraient pas dans la Constitution révisée.
Qu’entend-on par refonte totale du système ?
Qu’est-ce qu’il manque aujourd’hui à la Constitution pour une refonte totale ? Que craignait-on en 2019 pour ne pas insérer ce qui manquait, selon eux ? Et pourquoi vouloir, à deux ans de la fin du deuxième et dernier mandat de Patrice Talon, coûte que coûte opérer une autre révision de la Constitution ? Est-ce maintenant qu’on veut introduire dans la Constitution le mandat unique de sept ans ? On se souvient des propos d’un député Up-R, en l’occurrence Dakpè Sossou. Il avait affirmé que Patrice Talon allait faire 12 ans au pouvoir. « Il faut noter ça aujourd’hui (…). Après les cinq ans, Talon aura sept ans. Après les cinq ans en cours-là, on vient de faire deux ans.
Je ne dis pas qu’il lui reste dix ans hein ! Je ne dis pas cela. Vous me comprenez bien. Après ces deux ans-là, il lui reste trois ans pour finir son mandat. Il finit son mandat, il sera réélu pour sept ans », avait-il déclaré, comme un secret de couvent, en 2018. Certes, cela a évolué. Patrice Talon va boucler 10 ans en 2026. Seulement, malgré toutes les assurances données ici et là quant à la conservation des fondamentaux, tels que l’option républicaine démocratique et la limitation à deux du nombre de mandats du président de la République, une révision fait toujours naître des suspicions, surtout quand elle est agitée en fin de mandat.
Patrice Talon lui-même trouvait justifiées ces suspicions. C’est pourquoi il avait opté pour une révision en début de mandat. Pourquoi alors vouloir d’une révision maintenant qu’il lui reste juste 2 ans pour quitter le pouvoir ? Pourquoi ce qui était valable hier ne l’est plus aujourd’hui ?
M.M