Il fut une époque pas si lointaine que ça, où, le reportage, le traitement de faits d’actualité, était du ressort exclusif des hommes de médias. Ils étaient seuls à faire et à défaire les opinions. Il y avait certes quelques dérives, mais dans l’ensemble cela se tenait. On comprenait mieux les choses. Il s’agissait de professionnels et de quelques brebis galeuses, comme aimaient à dire quelques-uns parmi lesdits professionnels. Moins de 20 ans après, les vérités ont drastiquement évolué, le métier, et même les acteurs du métier également. Des légions de non-professionnels ont investi le domaine.

 

Les supports d’information ont eux-mêmes évolué, voire bougé. Hier c’était le papier, la télévision et les sites en ligne. Aujourd’hui, ce sont les réseaux sociaux qui donnent la voix : Facebook, Instagram, snapchat, Tik-Tok, whatsapp, Twitter… Voilà les nouvelles plateformes qui construisent le cœur de l’actualité. Tout y est, autant les bonnes informations vérifiables et dignes d’être créditées que des fakenews c‘est à dire les fausses nouvelles qui sont injectées dans le système pour manipuler l’opinion, salir ou mentir. La proportion, aujourd’hui, est astronomique, et les bien-penseurs d’hier ont depuis mis leur drapeau en berne devant l’immensité de la régulation de cet espace. Cette bouilloire gigantesque recèle d’une nature sociologique propre.

Elle s’appuie sur une liberté d’expression qui se veut démocratique, dans le sens le plus extrême du thème, sauvage même. Les seuls filtres qu’elle autorise sont ceux des algorithmes mis en place par ses techniciens concepteurs, souvent asymétriques et autorisant la promotion de contre-valeurs. C‘est dans ce landerneau sauvage, et même anarchique de l’information que sont nés de nouveaux héros, dont l’archétype est l’influenceur 2.0. Individu généralement artificiel diffusant un message surfait et qui draine dans son sillage des abonnés désœuvrés, en manque de repères ou à la recherche d’une identité de substitution. Le but ultime de tout possesseur de smartphone, IPhone de cette génération, est de ressembler à  ce modèle.

Ne vous y trompez pas, chacun à son influenceur. Cela va de soi, car la nature elle-même offre une diversité de choix. Là où l’affaire se corse, c’est lorsqu’il s’agit de vouloir ressembler à son influenceur ou simplement d’en devenir un. La toile est remplie de frasques qui ont mal tourné, d’engagements qui se sont terminés en drames pour les auteurs. Nous n’allons pas revenir sur ces cas-là. Ce qui nous interpelle et nous attriste au plus haut point c’est que dans cette course effrénée à la célébrité à l’influence ou au scoop, l’être humain a oublié son humanité.

Je veux m’intéresser à ceux qui aspirent à être des références en matière de faits divers, de nouvelles fraiches et inédites. Il n’y a aucune humanité à filmer une noyade en direct plutôt que d’aller à la rescousse de la victime. Le son triste de l’appel à l’aide d’une personne brûlée, au second ou au troisième degré,  devrait être suffisamment effroyable pour raviver l’instinct humain et pour inciter à l’action. Non pas en reporter en quête de scoop, mais en être humain venant en aide à une personne en détresse. La recherche d’images fortes et sensationnelles a pétrifié et corrompu le réflexe humain.

Désormais, la minute ou  la seconde décisive pour faire le bon geste,  se dispute entre Ouverture de caméra de téléphone et action qui sauve. C’est alors que sur les lieux des drames, vous verrez des personnes, les plus nombreuses, tenant leur téléphone au poing et filmant la scène. Se délectant de l’opportunité d’avoir une part de scoop,  un angle de prise de vue inédit du drame…

Un crocodile tentant d’entraîner son dompteur dans les profondeurs des eaux aura plus de gens pour filmer le massacre que dans l’eau pour aider le malheureux à s’en sortir. Un blessé gisant dans une mare de sang aura plus de personnes pour capturer son agonie que pour appeler les sapeurs-pompiers le sauver. La liste d’événements de ce genre cités qui pullule sur la toile, montre à quel point l’homme s’est éloigné de sa nature première, celle d’un être social. Ces faits marquent un tournant pour l’Homme tel que nous l’avons connu au siècle dernier. Ainsi, sans s’en apercevoir, l’humanité entière s’étiole dans la vitesse des moyens de communication. Nous sommes à un point où il devient nécessaire de juger si tous les progrès technologiques doivent être mis à la disposition de tous.

 

Éric TCHIAKPE- Ecrivain

 

 

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