Femme technocrate et politique, consultante internationale d’origine béninoise, se revendiquant d’abord africaine, Réckya Madougou une fois encore, ce mois de septembre, publie une tribune sur une question de développement. Ecole, nutrition et développement, c’est ainsi qu’on peut résumer la réflexion de l’ancienne ministre.
Chers Tous et chères Toutes
Mes chers amazoniens,
La présente tribune se voudrait un appel à une solidarité agissante en faveur de nos enfants vulnérables qui ont eux aussi droit au succès. Une invite adressée à notre conscience collective, car l’essor de nos nations est tributaire de ce fil ténu. « L’éducation est votre arme la plus puissante pour changer le monde. » avait scandé avec force conviction l’illustre patriarche Mandela.
L’Afrique occidentale vibre au son de l’aube scolaire. Ici et là, les préparatifs de la rentrée s’enchaînent dans un rythme frénétique. Les Géniteurs et philanthropes – dont j’ai le privilège de faire partie – s’attellent, assurément, à l’acquisition de matériels scolaires, d’uniformes, et bien plus encore. À ces parents, qui en dépit des tourments, s’échinent à offrir à leur progéniture le meilleur des destins éducatifs, je tiens à exprimer mes admirations. Puissent les bénédictions célestes vous envelopper et convertir de tels investissements en assurance-vie pour vos vieux jours.
Comme de coutume, les premières journées de la reprise des classes se verront, sans conteste, marquées par l’enthousiasme de nos enfants munis de leurs fournitures, pour les plus veinards. Chacun d’eux caressant l’aspiration de briller, de se hisser parmi les plus éminents. Pour autant, nous sommes conscients que bientôt, une réalité déchirante se profilera, particulièrement pour les enfants issus des milieux ruraux et des foyers vulnérables en général.
Il s’agit de l’absentéisme, des retards récurrents pour certains, de présenteismes marqués par des regards hagards aussi livides qu’absents. Autant d’indices qui rappellent à souhait une réalité que nous ne connaissons que trop bien : la faim. Oui, trop d’enfants se rendent encore à l’école le ventre creux et démunis de ressources pour un petit déjeuner adéquat. Trop d’enfants n’ont pas accès non plus à des déjeuners et encore moins aux soupers ou dîners.
Rien de surprenant lorsqu’en salle de classe, leur concentration initiale s’étiole au fil des heures. Leur attention se dissipe progressivement, laissant place à la lassitude et à une inquiétude. Certains luttent avec courage, c’est incontestable. Mais à la vérité, nombreux sont ceux parmi eux qui succombent au diktat de cette cause de nombreuses pathologies. Nous le savons, les repas sains contribuent à la fois à la croissance des enfants et au renforcement du système immunitaire de tout humain, en lui apportant les nutriments nécessaires. Ainsi, la thématique abordée ici est celle de la sous-nutrition des écoliers et élèves. À moins que nous ne modifiions notre stratégie, elle continuera à entraver le développement physique et intellectuel des générations actuelles, et celles à venir.
Chers amis, depuis des décennies, les liens intrinsèques entre une alimentation de qualité et la réussite académique sont manifestes, justifiant pleinement notre préoccupation. D’autant qu’après la petite enfance, la phase intermédiaire de l’enfance à l’adolescence – soit la période couvrant l’âge de 5 à 19 ans – représente la deuxième fenêtre d’opportunité pour la croissance, le développement psychosocial et l’instauration des habitudes alimentaires et de mode de vie pérennes.
À travers cette tribune, je désire appeler à une prise de conscience générale. Car si des solutions existent, nous manquons de les compter au titre de nos priorités. Les politiques de subvention pour les repas et petits déjeuners gratuits à l’école, par exemple, ont déjà fait leurs preuves. Une étude menée aux États-Unis en 2015 a mis en lumière l’amélioration des résultats en mathématiques et en lecture chez les enfants issus de milieux modestes grâce à des programmes de cantines scolaires subventionnées. Des résultats analogues ont récemment émergé en Afrique, notamment au Togo et dans d’autres pays.
Ces initiatives évitent aux enfants les carences qui entraveraient leur concentration et leurs facultés cognitives. Elles ont également un impact indirect, motivant les enfants à se rendre promptement à l’école avec ponctualité, à être plus assidus, à faire montre d’une affirmation et d’une estime de soi et à jouir d’une meilleure santé.
L’approvisionnement en petits déjeuners soulage également les familles modestes de contraintes financières susceptibles de peser sur les performances éducatives des enfants. Par-delà l’impact immédiat sur la réussite scolaire, les repas servis à l’école engendrent des retombées à long terme. Une expérience historique norvégienne des années 1920 et 1930 l’illustre de manière saisissante. Les enfants ayant bénéficié de petits déjeuners équilibrés à cette époque ont non seulement été plus enclins à achever leurs études secondaires et à poursuivre des cursus universitaires, mais ils ont aussi vu leurs revenus augmenter de 2 à 3 % entre 1967 et 1980.
Sur le plan économique, il est avéré que les programmes d’alimentation scolaire génèrent 9 dollars (environ 6.000 FCFA) pour chaque dollar investi Selon une étude réalisée également aux Etats-Unis.
Je suis particulièrement émerveillée par le postulat selon lequel, ces accompagnements, outre leur impact sur l’éducation et la santé, apportent parallèlement des bienfaits dans de multiples domaines, notamment la protection sociale et l’agriculture, lorsque l’approvisionnement local et le soutien aux agriculteurs de la région y sont associés.
Alors, que demeurons-nous encore dans l’attente ? Il s’avère impératif d’accroître substantiellement la dotation de ressources en faveur de l’amélioration de la nutrition des écoliers et des adolescents. Une santé solide et une alimentation équilibrée constituent les fondements de l’apprentissage. Si nous aspirons à exploiter pleinement le potentiel humain et économique de notre pays et généralement du continent africain, nous devons élever la nutrition au rang de priorité centrale dans nos agendas.
De manière concrète, il s’agira de :
– soutenir l’approfondissement des recherches académiques en la matière,
– mettre en place des groupes de travail (task force) dédiés à la proposition de financements innovants en vue de généraliser les cantines scolaires,
– décupler les efforts de sensibilisation et de plaidoyer.
Chers amazoniens,
Sur un plan collectif, dites-moi comment vous comptez contribuer à cette problématique. Et sur le plan individuel, pour ceux d’entre vous qui sont parents, veillez-vous à un repas quotidiennement équilibré de vos enfants en protides, lipides, glucides, vitamines, sels minéraux et oligo-éléments? Si ce n’est pas le cas, renseignez-vous très vite sur les menus appropriés selon les âges de vos enfants, auprès de nutritionnistes ou à défaut, auprès de votre médecin ou encore dans votre centre de santé.
Reckya MADOUGOU
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Septembre 2023