Alors que plusieurs partis politiques qui ne doivent rien au Professeur Joël Aïvo ont ouvertement réclamé sa libération, le 5e congrès du Prd n’a pas consacré une seule ligne au sort que subit l’ancien Porte-parole et Directeur de cabinet du Président du parti. Une attitude que beaucoup interprètent comme une grave faute politique de la part du parti politique le plus ancien de l’échiquier politique national.
Il y a environ une semaine, se tenait à Porto-Novo, le 5e congrès ordinaire du Parti du renouveau démocratique (Prd), le parti que dirige depuis trente-deux bonnes années, Me Adrien Houngbédji. Un rendez-vous politique important qui se tenait deux semaines presque jour pour jour après la condamnation par la Criet de celui qui est devenu, en moins de deux ans, l’une des figures politiques les plus importantes de l’échiquier national, le Professeur Frédéric Joël Aïvo. L’opinion publique qui guettait depuis plus de huit mois la parole officielle du Prd sur la situation du constitutionnaliste, et qui avait espéré que ce 5e congrès serait enfin l’occasion, restera sur sa faim.
Le Prd, à contre-courant
Les actes de ce congrès resteront en effet désespérément muets sur l’événement politique qui aura mobilisé le plus les attentions de cette fin d’année. Pas un mot dans le discours d’Adrien Houngbédji, pas une ligne dans les résolutions du congrès, sur le sort de leur ancien compagnon. Dès le prononcé de la condamnation de l’Universitaire, aux premières heures du 7 décembre 2021, plusieurs partis politiques qui, contrairement au Prd, ne doivent rien au Professeur Aïvo avaient donné de la voix pour demander au chef de l’Etat d’user de ses pouvoirs constitutionnels en vue de remettre en liberté les personnes condamnées aux fins d’un dégel de la crise politique issue de la dernière élection présidentielle. C’est le cas par exemple du parti Les Démocrates, du Per de Nathanaël Koty, et même des Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) dont les accointances supposées ou réelles avec le régime de Patrice Talon alimentent les conversations.
Joël AÏVO, ancien bras droit d’Adrien Houngbédji
Les 18 et 19 décembre derniers, dans sa ville natale, l’ombre de Frédéric Joël Aïvo a plané sur le congrès du Prd. Si le sujet n’était pas officiellement à l’ordre du jour, le nom et le sort de celui qui aurait été l’un des principaux challengers de Patrice Talon lors de la présidentielle de 2021 étaient sur toutes les bouches. L’apparition en 2006 aux côtés de Me Adrien Houngbédji de ce jeune et brillant Universitaire avait apporté au parti un nouveau souffle et une vague d’espoir en ce lendemain de défaite électorale (Adrien Houngbédji venait d’être écrasé au second tour de la présidentielle par Boni Yayi). Directeur de cabinet et Porte-parole du Président du parti, Frédéric Joël Aïvo avait brillamment défendu le Prd et contribué à augmenter son capital sympathie. Entre 2006 et 2011 (année où le Constitutionnaliste se retirera pour se consacrer à sa carrière d’Universitaire), Joël Aïvo aura été le plus proche collaborateur du Président du PRD, la deuxième pièce la plus importante de la galaxie Houngbédji après le patriarche lui-même. Sa loyauté à Me Adrien Houngbédji et au parti n’avait pourtant souffert d’aucune ombre. Malgré les nombreuses sollicitations qu’il avait reçues, Joël Aïvo ne posera aucun acte d’hostilité contre le parti. Il refusera systématiquement de flirter avec le moindre parti adversaire du Prd, ou de céder aux sirènes du généreux Pouvoir de Yayi.
De potentiel successeur de Houngbédji à ennemi à abattre ?
On le retrouvera même parfois en train de défendre le Prd qu’il avait pourtant déjà officiellement quitté. Une fidélité au parti qui n’a pas échappé à Adrien Houngbédji et à plusieurs cadres du Prd. L’inamovible président lui-même, Falilou Akadiri, le Secrétaire général du parti et plusieurs vice-présidents en étaient même arrivés à proposer maintes fois à l’enfant prodigue, un retour au bercail avec pour mission, de « reprendre en main le parti et d’en assurer l’avenir ». Il était en effet vu comme la personne la plus à même de préserver l’héritage du parti dans ses fiefs traditionnels.
La dernière présidentielle a semblé rapprocher Aïvo et Houngbédji, car la base du parti, marquée par son courage, sa persévérance, son discours courtois et incisif, semblait avoir très tôt adopté le jeune Constitutionnaliste comme son candidat. Des sources proches des deux personnalités confirment que des contacts réguliers ont eu lieu entre le Constitutionnaliste et son ancien mentor. Qu’ont conclu les deux hommes ? Seuls Aïvo et Houngbédji le savent.
La faute politique
L’indifférence du Prd au sort fait à la figure la plus représentative de son avenir continue d’intriguer plusieurs observateurs. Le parti d’Adrien Houngbédji est-il préparé à voir le jeune Constitutionnaliste de nouveau en liberté et lancé dans ses pattes ? Bien malin qui pourra répondre à cette question. Mais l’attitude du parti au sortir de son dernier congrès relance tous les soupçons de danse de la victoire devant l’emprisonnement de Joël Aïvo. Même les militants du parti qui n’avaient pas rejoint l’initiative du Dialogue itinérant ne comprennent pas le silence de leur parti qui a traversé ce congrès comme si l’un des leurs ne venait pas de prendre cher pour avoir tenté de défendre les valeurs démocratiques qui ont toujours fait l’Adn de leur parti.
Adrien Houngbédji et ses lieutenants craignent-ils à ce point Patrice Talon ou redoutent-ils que le retour de Joël Aïvo dans l’arène politique ne porte le coup de grâce à un parti dont le déclin et la fin semblent pourtant irréversibles ?
M.M