(De la récupération politique derrière l’autorisation de la marche ?)
Les femmes béninoises engagées pour la paix étaient dans les rues ce samedi, 31 octobre 2020 pour exprimer leur mécontentement et surtout dénoncer des actes susceptibles de porter atteinte à la paix sociale au Bénin. De Cotonou à Malanville en passant par Savè, Parakou, Djougou, ces femmes ont lancé un message fort au régime de la Rupture. Mais derrière, une tentative de récupération politique est loin d’être écartée…
« La Cena, la Cour Constitutionnelle, le Cos-Lepi ne sous inspirent pas confiance » ; « Cherté de la vie sous la Rupture, le Kilo du gari est à 400Fcfa » ; « Le désespoir tue le peuple béninois, monsieur le Président » ; « Trop de taxes, prenez sur vos privilèges » ; « Un dialogue national inclusif s’impose » etc. Ce sont entre autres messages forts que l’on pouvait lire sur des pancartes brandies par des manifestantes. Réunies au sein du Mouvement des femmes béninoises pour la paix, ces dernières ont battu le macadam sur de longues distances pour exprimer leur désarroi, déception et mécontentement quant à la gestion du pays par le gouvernement du Président Patrice Talon. Dans plusieurs localités du pays, elles se sont mobilisées pour manifester et se faire entendre. Ceci, à quelques mois seulement de l’élection présidentielle de 2021 et surtout de la fin du mandat du chantre de la Rupture. La marche a eu lieu dans plusieurs communes du Bénin avec des messages de ras-le-bol. A Cotonou, elle a démarré de la place triangulaire du marché international de Dantokpa. Les femmes exigent le respect et la garantie des libertés fondamentales, la libre expression, le retour de l’Etat de droit, la libération des détenus politiques en exil mais aussi et surtout la levée de tout aspect qui empêche la présidentielle de 2021 d’être inclusive. Elles appellent les gouvernants actuels à militer pour la préservation de la paix au Bénin. Les messages et des chants hostiles au pouvoir ont été scandés tout au long de l’ensemble des différentes marches qui pour la plupart ont eu pour chute les préfectures des départements. Fortement soutenues par des personnalités politiques de l’opposition à travers des messages sur les réseaux sociaux, les femmes démontrent plus que jamais leur attachement à la paix, au partage équitable des richesses, la prospérité partagée. « La paix n’est pas un vain mot. La paix est un comportement, la paix, n’est pas un manque de crépitement des armes. La paix, c’est au niveau des cœurs, parce qu’il faut des cœurs apaisés assurer le vivre ensemble. Quand un seul groupe politique s’arroge tous les droits, et impose aux autres toutes les obligations, on est plus en paix. Parce que ceux qui n’ont que des obligations aujourd’hui, voudrons avoir des droits demain, ce qui pourrait troubler la quiétude de la cité. C’est pour cela que nous les femmes demandons au Président Patrice TALON la restauration de la démocratie pour des élections inclusives, justes et équitables pour tout béninois désireux d’être candidat » lancent-elles dans leur message. A cet effet, elles estiment qu’il est “nécessaire de revenir sur les anciennes dispositions électorales qui lui ont permis de devenir président en dépit de tout ce qui lui était reproché à tort ou à raison“. « OUI, nous demandons les mêmes conditions électorales qu’en 2016. Nous le demandons de toutes nos forces. Si le Président…ne veut pas revenir sur ces dispositions, il faut cette fois ci qu’il convoque un dialogue national inclusif au cours duquel les fils et filles du Bénin déterminerons ensemble et dans un consensus les modalités de cette élection. La paix véritable est à ce prix » recommandent les manifestantes qui se disent angoissées. Tout en protestant énergiquement contre la “dangereuse confiscation de notre processus démocratique“, elles plaident pour des mesures concrètes contre la faim, la pauvreté et le chômage qui sévissent dans le pays ; le dédommagement des personnes dégagées des espaces publics ; la réduction des impôts et taxes dans les marchés; l’arrêt de la liquidation des entreprises publiques au profit de quelques privilégiés afin de sauvegarder les emplois de nos maris, sœurs, frères et enfants ; la résolution des problèmes dans le secteur éducatif, l’annulation de la décision de radiation des enseignants, la prise en compte des problèmes des aspirants, la gratuité de l’école pour nos filles, la réduction des effectifs par classe pour permettre un meilleur suivi etc. Un message fort aux gouvernants béninois.
De la récupération politique derrière la marche ?
Le cafouillage observé autour de l’autorisation de la marche des femmes a suscité des commentaires sur les réseaux sociaux. Alors que le maire de Cotonou interdisait toute manifestation à caractère festif, politique et revendicatif, le ministre de l’intérieur et l’autorité préfectorale donnaient leur quitus pour la tenue de ladite marche. Ainsi, déférant aux instructions du préfet par intérim du Littoral, Jean-Claude Codjia, et du ministre de l’Intérieur et de la sécurité publique, Sacca Lafia, le maire de Cotonou, Luc Atrokpo, a levé, à titre exceptionnel, la mesure d’interdiction provisoire sur toute l’étendue du territoire de la Commune de Cotonou, de diverses manifestations. La marche a été alors autorisée par arrêté municipal. « Est levée à titre exceptionnel, au profit du Mouvement des femmes béninoises pour la paix qui projette organiser des manifestations le samedi 31 octobre 2020 de 09heure à 12 heure, la mesure d’interdiction provisoire de tout rassemblement et de toutes manifestations publiques sur toute l’étendue du territoire de la Commune de Cotonou », peut-on lire dans le 1er article. Pour plusieurs observateurs, les marches étant souvent interdites sous la Rupture, nul doute qu’on veuille refaire l’image du Bénin. Et déjà, sur les réseaux sociaux et dans certains médias, des fleurs sont jetées au gouvernement pour avoir posé un acte qui témoigne de la vitalité de la démocratie béninoise. Pour certains, c’est la “ preuve que la liberté d’expression et la paix ne sont pas menacées au Bénin“. “A travers l’autorisation de cette marche, le Bénin reste un pays démocratique sous le président Talon“, peut-on également lire. Face au fait, il importe de se demander combien de marches de protestation ont été autorisées depuis l’avènement de la Rupture et combien ont été réprimées dans le sang ? L’autorisation de la marche des femmes est-elle suffisante pour clamer et chanter la vitalité de la démocratie béninoise ? Les questions restent toutes posées.
A.B